La phobie
La phobie, du grec phobos, est une peur démesurée et irrationnelle. L’arachnophobie, l’agoraphobie, la claustrophobie, cynophobie, hématophobie… Nous pourrions continuer encore mais la liste des phobies est longue. Cces peurs ont toute en commun de causer une incapacité du moins temporaire à celui qui l’a contracte. La phobie est un trouble, une maladie psychiatrique.
De nos jours, nous observons une extension de la notion. Elle s’invite maintenant dans les débats politiques. Dès les années 1970, dans les journaux pornographiques américains le mot « homophobia » était utilisé. Le néologisme exprimait la crainte de certains hommes hétérosexuels de passer pour homosexuels.
Nous observons déjà une bifurcation de la définition initiale. Auparavant réellement incapacitante, la phobie devient une simple crainte presque d’ordre esthétique. Peut-être certains hommes hétérosexuels sont effectivement tétanisés à l’idée de ressembler à des homosexuels ? N’hésitez pas à nous envoyer vos témoignages sur Twitter. Ensuite, c’est l’avalanche : transphobie, biphobie, lesbophobie, interphobie, embyphobie, panphobie pour le domaine sexuel ; gérontophobie, grossophobie, pédophobie, éphébiphobie, gynéphobie, androphobie pour le domaine anatomique et de l’âge ; et ainsi de suite. C’est comme une mécanisation de la langue. Un apauvrissement grossier. Le misogyne d’antan devient le gynéphobe. Le misandre, l’androphobe. À chaque détracteur son étiquette en phobe.
Ce qui est intéressant de noter est aussi le manque de discernement. La transphobie est à la fois le fait de tabasser à mort un transsexuel pour son orientation sexuelle que de questionner le bien-fondé des cliniques de changement de sexe à destination des enfants. Cette confusion entretient l’hystérie autour des sujets sensibles comme le mal-être des transsexuels. Bien sûr, cela ne se cantonne pas en dessous de la ceinture. Sanctionner les discours de régulation de l’immigration du sceau de la xénophobie est du même ordre. Un discours prônant la régulation n’est pas comparable à des ratonnades.
Faites attention à cette facilité de langage qui brouille les débats et sabre le vocabulaire de notre langue. Il nous faut maintenir la phobie dans le cadre très précis de la psychiatrie et préférer d’autres préfixes, d’autres mots ou user de néologismes plus inspirés. Comme antichrétien plutôt christianophobe, misomusulman (rappelant le misomuse) plutôt qu’islamophobe, Anti-France plutôt que francophobe, antinazi plutôt qu’ukrainophobe, rural plutôt qu’urbaphobe, curophage plutôt que prêtrophobe... Et arrêtons un peu de produire de manière industrielle des phobies en tout genre.
Notez que tous les mots suffixés de -phobie sus-cités sont répertoriés dans le Wiktionnaire. De plus, je n’invite pas pour autant à bannir totalement le suffixe, simplement à mieux raisonner son utilisation.
Mais où sont les duclophobes ?