D’un régime présidentiel de fait à la dictature … Ou le piège de la Vème République

D’un régime présidentiel de fait à la dictature … Ou le piège de la Vème République

La plupart du temps, nous avons eu à cœur de souligner les aspects positifs des décisions prises par le général De Gaulle. Nous savons à quel point vrais communistes et vrais gaullistes peuvent partager des valeurs communes. Cela dit – et même si nous reconnaissons les erreurs qu’il y eu dans l’appréciation par le P.C.F. (encore vraiment communiste) du caractère réel des intentions du général à certaines époques – erreurs allant jusqu’à lui prêter la volonté d’installer un fascisme en France – il reste que, particulièrement en matière constitutionnelle, les fondements de ces critiques et attaques contre le «pouvoir gaulliste» – pour outrancières qu’elles fussent sur la personne en fonction de ce qui fut son comportement effectif – ne reposaient pas sur du vent… On peut aujourd’hui en constater la pertinence avec Macron.

Une constitution taillée pour un seul homme…

Il faut bien avouer que le parlementarisme qui dominait la IVème République et son instabilité chronique avait de quoi agacer et que l’image de notre pays à l’étranger était devenu de ce fait quelque peu ridicule. Mais il ne faut pas oublier que la faute en incombait surtout, d’une part, à un addendum à la constitution de cette République qui instaurait le trucage des majorités par le jeu des apparentements (le vote lors des législatives était à la proportionnelle, mais, arbitrairement, on attribuait des voix de formations non éligibles à telle ou telle autre, éligible, considérant par le fait du Prince qu’elle s’apparentait politiquement à cette dernière, ce qui se traduisait pour la formation bénéficiaire de ces largesses par des sièges supplémentaires) et, d’autre part, de manière plus politique, par le jeu incessant d’alternances fantoche entre la M.R.P. (surnommé «Mouvement de Récupération des Pétainistes») et la S.F.I.O. de Blum puis de Guy Mollet, image presque caricaturale de la trahison permanente caractérisant la social-démocratie (nos lecteurs se reporteront sur ce plan à la répression de la grève des mineurs de 47 et à l’utilisation des pleins pouvoirs par la S.F.I.O. en 1956, élue pour faire la paix en Algérie et qui y envoya le contingent…).

De Gaulle, par sa formation militaire et sa tradition familiale fut toujours enclin à faire passer une certaine conception de l’ordre pour l’ordre avant le risque d’une quelconque instabilité politique ou administrative et de ses attaches avec une certaine tradition royaliste – ou plutôt monarchique – à une vision anti partis politiques et anti parlementariste. Alors que dans les faits, les sources de ce manque de confiance dans la représentation nationale et son expression via des organisations politiques tiennent en réalité de la confusion entre la Politique (avec un P majuscule – c’est-à-dire les affaires de la Cité) et les magouilles politicardes du marécage puant de la politique (p minuscule) «professionnelle».

Il était – sans aucune contestation possible – un homme d’une honnêteté scrupuleuse sur le plan personnel et ne confondit jamais son intérêt personnel avec celui de notre pays. Même s’il employa (de gré ou de force ?) nombre de gens douteux dans les allées du pouvoir (en les tenants toutefois assez fortement en respect). La constitution de 1958 et encore plus après son amendement par referendum de 1962 instituant l’élection du président de la République au suffrage universel est le reflet de la pensée gaullienne en matière de stabilité gouvernementale et d’anti parlementarisme. Seul De Gaulle par sa personnalité et parce qu’il était le contraire d’un dictateur en usa de manière mesurée. Un usage dont les limites ne reposaient que sur son honnêteté foncière. Cependant, de l’article 16 (dont il fut le seul à user dans des circonstances qui le justifiaient pleinement) à l’article 40 en passant par le 49.3, cette constitution est frappée du sceau infamant de la possibilité d’instituer de fait la dictature d’un pouvoir minoritaire. Elle est – comme le fut celle de la seconde République qui permit à Louis-Napoléon Bonaparte de devenir Napoléon III par un coup d’État sous couvert d’un plébiscite – entachée par des conflits de légitimité insolubles par le seul examen des textes. Elle proclame en effet que le Peuple est souverain et que cette souveraineté s’exerce soit par la représentation nationale, soit directement par referendum… mais elle ne précise pas de hiérarchie entre ces deux moyens. Ce qui permit à des parlementaires – majorité présidentielle de l’époque et sociaux-démocrates – de passer outre les résultat du referendum de 2005 au travers duquel le Peuple de France par 55% des exprimés avait rejeté la constitution de l’U.E. ! En permettant l’élection du président de la République au suffrage universel, elle crée deux légitimités équivalentes de la représentation nationale sans qu’aucune hiérarchie ne soient clairement définie entre elles. Certes, De Gaulle avait eu cette honnêteté foncière de laisser au peuple le dernier mot et il le fit en démissionnant en 1969 quand il perdit son référendum… Mais rien ne l’y obligeait constitutionnellement ! Que ferait Macron dans un cas similaire ?

Elle règle les problèmes d’instabilité liés aux magouilles politicardes de la IVèmepar des pouvoirs potentiellement abusifs confiés au chef de l’État et à son gouvernement dont les excès ou la retenue ne dépendent que du bon vouloir et de l’honnêteté du président en place. Elle maintient par contre la notion de mandat représentatif, autorisant de fait les élus de la République à se comporter comme ils l’entendent durant le mandat qui est le leur au lieu d’instituer (enfin) un mandat impératif révocable en permanence si les élus trahissent leurs engagements, rendant ainsi au Peuple souverain le total et permanent contrôle de son destin et donc une souveraineté effective, vaccin anti magouilles et anti politicards professionnels par excellence.

Tout cela avait été dénoncé en son temps par ce qui fut le P.C.F. lorsqu’il était réellement communiste. Certes d’autres formations de ce qui fut la «gauche non communiste» le firent aussi, mais force est de constater que le Sieur Mitterrand – auteur d’un ouvrage intitulé «Le coup d’État permanent» fort critique justement de ces problèmes – n’y porta aucun remède une fois à l’Élysée !

En fait, le seul point sur lequel on ne peut accuser les constitutionnalistes de la Vème République d’être responsables de l’actuelle situation c’est de n’avoir pas prévu que des alternances sans alternative allaient dans l’avenir aggraver encore la situation en créant au fil du temps une telle masse d’abstentions que la légitimité des élus – et au premier chef celle du président – deviendrait un réel problème de démocratie. Gageons que s’ils l’avaient perçu, ils auraient institué un quorum pour valider toutes les élections !

Une nouvelle constitution est donc absolument nécessaire, même si elle ne suffirait pas à résoudre fondamentalement les problèmes gravissimes que traverse notre nation.