Gaullistes et communistes une alliance improbable ?

Gaullistes et communistes une alliance improbable ?

Pour beaucoup de gens de gauche, la droite est assimilée au fascisme, au libéralisme économique ou encore pire au nazisme. Or il existe au sein de la droite, des tendances même opposés au libéralisme, qu’il soit économique ou sociétal, et au capitalisme. Cette tendance est la droite gaulliste. Bon nombre trouveraient cette alliance contre nature voir assimileraient cela à de l’hérésie, mais force est de constater qu’au cours de l’histoire la gauche communiste et la droite gaulliste ont été plusieurs fois unis. Que cela soit durant la seconde guerre mondiale dans la résistance ou alors contre la création de la CED (Communauté européenne de défense) en 1952. Projet atlantiste qui aurait eu pour but la création d’une armée européenne qui serait bien évidement inféodée aux États-Unis. Les gaullistes et les communistes furent les principales forces politiques à s’élever contre cette mesure qui aurait anéanti notre souveraineté militaire. Certes les communistes et gaullistes n’avaient pas d’alliance officielle ou même de traité commun, mais toujours est-il qu’ils œuvraient pour la même chose, c’est-à-dire : La défense de la France face à la destruction de sa souveraineté.

Durant Mai 68, bien que le PCF et la CGT ont appelé à la manifestation et pour certains la démission du général De Gaulle, les communistes et les gaullistes ont toujours été opposés aux mouvements gauchistes (représentés par la LCR et le PCMLF). Le PCF réfute les appels à la « révolution sociale immédiate » prônée par ces gauchistes. Le 21 mai, L’humanité, déclare pour la première fois Daniel Cohn-Bendit comme un « provocateur politique ». D’ailleurs la CGT et le PCF refusent de soutenir Daniel Cohn-Bendit quand celui-ci les couvrait d’injures en les insultant de « crapules staliniennes ».

Pour le PCF ces mouvements gauchistes sont alors comme des hordes d’étudiants excités et exaltés par la révolution mais qui ne disposent pas de point d’appui parmi la classe ouvrière et pire, par leur provocation et leur attitude violente justifie la répression policière à l’égard du mouvement ouvrier. Il faut rappeler que de manière générale le pouvoir gaullien ne va pas s’en prendre de manière radicale contre le PCF ou le mouvement syndical. Ils vont plutôt concentrer leurs efforts sur la lutte contre les mouvements gauchistes, auquel bon nombre crois qu’il serait capable de mener une véritable insurrection, allégations purement fantaisistes mais qui à l’époque était répandu.

Il est bon de rappeler aux gauchistes que faire une révolution en 1968 n’aurait de toute manière pas pu aboutir à une victoire et que pire, cela aurait justifié une intervention de l’OTAN en France. Ce qui, en dehors de l’effroyable guerre civile, aurait irrémédiablement conduit la France sous le giron américain. En ce sens les gauchistes auraient été les idiots utiles de l’impérialisme états-unien. Il faut rappeler que Mai 68 fut avant tout une révolution culturelle et libertaire (ayant pour principe de « jouir sans entraves ») qui n’amènera à aucun nouvel acquis social, ou à une amélioration générale de la population française par la suite. Bon nombre des dérives sociétaux actuelles viennent de ces mouvements gauchistes, en particulier du mouvement maoïste, surtout dans un groupe alors appelé : Vive la Révolution.

Bien que l’attitude gaullienne ait pu provoquer quelques frictions, en effet dans un discours du 30 mai il accuse le Parti communiste Français d’être une « entreprise totalitaire ». Il est évident que de ce point de vue la De Gaulle a commis une erreur, car il ne comprenait pas les différences fondamentales qui existaient entre gauchistes et communistes qui mettait tout le monde dans le même sac. Et cette attaque à l’encontre du PCF va alors mener à l’accusation par les communistes de « fasciste » sur le Général De Gaulle.

Une réponse que l’on pourrait nous opposer est que cette alliance serait l’accusation que le gaullisme n’a pas de doctrine sociale et que même si certains ne sont pas des grands soutiens du capitalisme, ils ne voudront jamais le détruire. Cela serait méconnaître une part méconnue des gaullistes : ceux que l’on appelle les « gaullistes sociaux ». Il est bon de rappeler que plusieurs de ces gaullistes sociaux viennent des rangs de la gauche (que cela soit du Parti radical ou alors de la SFIO) je pense notamment à des personnes comme André Philip. Et dans ses rangs ils comptent alors bon nombre de gaullistes qui certes sont des sociaux-démocrates, mais qui pour certains vouent une méfiance voir même sont opposés à l’économie de marché et au capitalisme. Ce n’est pas uniquement l’aile des gaullistes orthodoxe qui se sont levés contre la ratification du traité de Maastricht en 1992, mais bien une partie de ses gaullistes sociaux, représentés par Philippe Séguin, un poids du lourd du RPR de l’époque, qui va alors mener, avec Charles Pasqua, la campagne pour le « non » au traité de Maastricht au sein de la droite.

À gauche il y a bien sur Jean-Pierre Chevènement, mais surtout le parti communiste qui va s’opposer lui aussi à ce traité libéral et anti national. Malheureusement ils ne comprendront pas l’intérêt de faire alliance commune malgré que des dialogues furent engagés entre le PCF, Philippe Séguin et Jean-Pierre Chevènement.

À l’époque dans un petit journal l’Idiot international, journal alors dirigé par Jean-Edern hallier, un article sulfureux sort et qui s’intitule « Vers un Front national ». Dans cet article, Jean-Paul Cruse (ancien membre de la Gauche prolétarienne) prône alors une grande alliance réunissant de Pasqua, Chevènement, les communistes et les nationalistes. Pour certains observateurs peu avisés de l’époque, il s’agirait alors de l’incarnation même d’un complot « rouge brun ». Au contraire, sous les aspects pamphlétaires et violents de cet article se cache en fait une certaine lucidité : unis les souverainistes de tous bords peuvent gagner et abattre le système capitaliste dont l’UE en est la parfaite représentation. Même s’il s’agit de nuancer un peu, car Pasqua ou Chevènement n’auraient jamais voulu détruire le capitalisme. Il faut interpréter ça plus comme un sursaut de souveraineté.

Il y a en revanche un point négatif qu’il faut mettre en avant, le problème de Jean-Edern Hallier c’est qu’il va vouloir ratisser beaucoup trop large dans la composition avec cette alliance, il préconise alors une alliance avec le FN. Loin de reprendre l’habituel argumentaire gauchiste « Le FN c’est le nazisme » nous allons aller dans une critique beaucoup plus constructive. Nous savons pertinemment que la plupart des militants FN de l’époque sont bien loin d’être des génocidaires adeptes des théories nationales-socialistes… ce qui n’est malheureusement pas le cas d’une partie des cadres proche de Jean-Marie Le Pen. Nous pouvons rappeler qu’à la création du parti il y a la présence de François Bousquet, ancien SS de la division Charlemagne, qui va quitter le parti vers la fin des années 80. Mais à la parution de l’article, il y a encore des hommes comme François Brigneau, qui fut un ancien de la milice française, et qui ne va quitter le parti uniquement en 1999. Il était alors naturellement intolérable que des communistes ou des gaullistes puissent faire alliance avec la présence de tels personnes dans le parti. De plus le FN de l’époque a alors embrassé le libéralisme économique, sans compter une virulence anticommuniste très présente dans le parti. En cas d’une grande alliance contre l’UE il aurait fallu que les cadres FN quittent le parti, pour rejoindre Pasqua, s’il avait voulu y participer.

Cette démarche de l’idiot international fut soutenue par la direction du PCF de l’époque (bien que la volonté Hallier et Cruse de faire alliance avec le FN va provoquer beaucoup de friction) ou George Marchais était encore secrétaire nationale. Malheureusement à partir de 1994, le PCF va alors avoir pour secrétaire général Robert Hue, qui va amener le parti a renié bon nombre de ses fondamentaux pour plaire aux gauchistes. Ainsi il n’y a plus rien de ce qui rappelait alors la tradition révolutionnaire et patriotique qui fut la ligne du PCF. On parle même à l’époque de changer le nom du parti, car le mot « communiste » ferait peur.

Nous savons aussi que lors des présidentielles de 2002 il y aura des tentatives de rapprochement entre le MRC de Jean-Pierre Chevènement et le RPF du duo Pasqua/De Villiers, mais ces négociations ne vont pas aboutir à une alliance entre les deux mouvements ce qui va amener à une défaite électorale. Il est indéniable que cela fut une guerre d’égo plus que de fond idéologique, car les deux mouvements défendaient tous les deux : un étatisme fort, une sortie de l’union européenne, du protectionnisme économique et un contrôle de l’immigration (bien que pour le cas du RPF la ligne est beaucoup plus dure que celle du MRC).

Sauf que les volontés de faire alliance ne sont pas mortes en 2002. Éric Zemmour dans son livre La France n’a pas dit son dernier mot, nous décrit à la page 83 une curieuse volonté de rapprochement « Jean-Luc Mélenchon a son air de conspirateur qui m’amuse beaucoup. […] il a appris que j’avais deux amies à l’Élysée en la personne de Henri Guaino et de Patrick Buisson. Ce sont justement les deux personnages qu’il souhaite rencontrer. Il me prie de jouer les intermédiaires. Je devine ; à quelques réflexions elliptiques, qu’il rêve de reconstituer la grande alliance Gaullo-Communiste, hériter de la guerre, qui domina la vie politique dans les années 1960, et qui empêcha la gauche d’accéder au pouvoir pendant 20 ans. Il a depuis peu quitté le Parti Socialiste pour fonder une nouvelle formation, bien décidé à avoir la peau des « sociaux traîtres » qui ont vendu leur âme sociale sur l’autel de l’Europe libérale. »

Bien évidement nous voyons qu’aujourd’hui cette rencontre n’a abouti à rien. Alors il est bon de nuancer le propos. En effet Jean-Luc Mélenchon à l’époque n’est pas communiste, c’est un social-démocrate qui certes à l’époque a défendu encore des idées de gauches et même s’il a quitté le PS pour des raisons justes il est bon de rappeler qui à voter pour le « Oui » au traité de Maastricht en 1992. Pour le cas de Patrick Buisson, il faut rappeler que bien qu’il se considère comme souverainiste, il reste un libéral, de plus Patrick Buisson a été mis en cause dans la dernière vidéo de Pierre-Yves Rougeyron dans laquelle il accuse Buisson d’avoir conseillé à Nicolas Sarkozy de faire de l’identitaire pour rallier à l’UMP une partie des classes populaires. Et nous savons aujourd’hui pertinent les résultats de la politique libérale de Sarkozy sur la France et son peuple. Car même si Buisson s’est écarté de Sarkozy il ne peut pas nous faire croire qu’il ne savait pas les résultats de sa politique libérale. Sans oublier que à l’époque Buisson était proche des milieux traditionalistes, à l’époque ou Jean-Luc Mélenchon tenait une ligne laïque dure. Pour toutes ces raisons il était évident que cela n’allait pas passer, et ce n’est pas la présence de Henri Guaino qui aurait changé quoi que ce soit. C’est pour cela qu’il serait plus juste d’analyser cette rencontre comme une volonté de Jean-Luc Mélenchon de court-circuiter la politique de l’époque en faisant une alliance contre nature pour alors détruire le PS et prendre sa place dans la gauche de l’époque.

Le livre de Zemmour a le mérite de montrer que pour refaire une alliance gaullo-communiste il ne faut pas le faire avec n’importe qui. Rechercher une alliance souverainiste à tout prix, quitte à s’allier avec des libéraux, n’est en effet pas souhaitable. En effet, il faut avant tout recréer un front souverainiste, sociale et antilibérale. C’est pour cela que nous appelons les militants communistes et gaullistes venant de divers formations politiques (PCF, RS, UPR, Les Patriotes) à se parler. Il ne faut pas attendre que les cadres ou chefs de parti axent le pas d’une réconciliation car pour beaucoup ils n’auraient pas intérêt à le faire (que cela soit pour des raisons idéologiques ou alors purement personnelle). En effet si des liens sont créés via les militants cela pourrait pousser à de possibles alliances, que cela doit au niveau local ou national. Il faut savoir dépasser les clivages qui ne servent qu’au système pour nous pousser à une lutte fratricide entre gens ayant fondamentalement les mêmes intérêts.