La conquête d’Algérie

La conquête d’Algérie

Comme l’écrivait le pangermaniste völkisch et raciste allemand Albrecht Wirth dans Volkstum und Weltmacht in der Geschichte, Munich, Bruckmann : « Un peuple a besoin de terre pour son activité, de terre pour son alimentation. Aucun peuple n'en a autant besoin que le peuple allemand (...), dont le vieil habitat est devenu dangereusement étroit. Si nous n'obtenons pas bientôt de nouveaux territoires, nous irons inévitablement à une effrayante catastrophe. Que ce soit au Brésil, en Sibérie, en Anatolie ou dans le sud de l'Afrique, peu importe, pourvu que nous puissions à nouveau nous mouvoir en toute liberté et fraîche énergie, pourvu que nous puissions à nouveau offrir à nos enfants de la lumière et de l'air d'excellente qualité et quantité abondante ». Le colonialisme est une doctrine ou une idéologie justifiant la colonisation entendue comme l'extension de la souveraineté d'un État sur des territoires situés en dehors de ses frontières nationales. L'idéologie colonialiste a été développée durant la seconde partie du XIXe siècle par le mouvement colonial dans beaucoup d'États européens, notamment avec l'idée d'une « mission civilisatrice ». Elle était fondée sur la notion d'impérialisme et tentait de donner un fonds de doctrine politique à la nouvelle vague de colonisation. La vague de colonisation est aussi liée à la vision d’états-races et la volonté de prouver qu’un type d’individu d’une certaine culture est supérieur à un autre. Le fait de coloniser a aussi des motivations économiques et stratégiques notamment avec pour ambition, d’avoir plus de terres où pourront prospérer des habitants de la terre d’origine, d’avoir un meilleur contrôle sur les routes commerciales ou encore d’empêcher un état concurrent de s’agrandir. Dans le cas des guerres coloniales en Algérie où c’est la France qui part à sa « conquête », la guerre commence à la suite du défi posé par le Dey d'Alger aux gouvernants français et aux représailles qui s’ensuivirent pour l’affront. Par essence, les méthodes de colonisations entraînent des tensions et des violences, violence que l’on peut définir par l’atteinte volontaire à l’intégrité d’un bien ou d’une personne. Ici nous parlerons donc des violences de guerres coloniales. A travers l’exemple de différentes colonisations et la guerre d’Algérie nous tenterons de répondre à la question suivante : Quelle est l’étendue des violences entraînées par les guerres coloniales en Algérie et que nous montrent ces violences sur les volontés des différents partis ? Pour y répondre nous verrons tout d’abord la perception et légitimation de la violence, puis la spécification de la violence lors des guerres coloniales et enfin les enjeux géopolitiques de l’entreprise de la colonisation.

Quand la France se lance dans la conquête de l’Algérie, elle n’est pas définie comme telle et il n’y a donc pas de plan élaboré quant aux relations entre les populations conquises et les Français, tant sur un plan individuel qu’administratif. Ainsi, ces relations sont brutes et révélatrices du sentiment des uns envers les autres. En effet, tout laisse à penser que les Français s’imaginent supérieurs aux conquis, légitimant ainsi une certaine forme de violence ; par exemple, en matière de droit. Didier Guignard s’exprime ainsi : « le juge français […] part toujours du postulat de la supériorité des catégories juridiques françaises et visent à la transformation du droit local dans leur direction. ». On retrouve cette supériorité dans l’administration d’Alger au début de la conquête ; beaucoup d’Algériens sont expropriés, les autres sommés d’adopter les transformations du conquérant : les habitants doivent par exemple, dans le cadre des « droits du voisinage », numéroter les maisons et inscrire des noms aux rues. Ce sentiment de supériorité va résulter en une légitimation de la violence envers les populations conquises.

Couplé à l’objectif militaire de conquête de l’espace Algérien, l’idée de l’extermination des autochtones émerge implicitement pour s’assurer de sa réussite. Effectivement, prenant l’exemple des guerres de Vendée, d’Haïti ou d’Espagne sous Napoléon ; Jomini, penseur militaire, propose la force et le choc pour « casser » la résistance algérienne. À la différence que massacrer des civils est pour le Maréchal Soult « affreux, détestable » quand il s’agit d’Européens, et « la guerre elle-même » quand il s’agit d’Algériens. Ces derniers sont vus depuis plusieurs siècles comme des pirates barbaresques sans foi ni loi qui par essence ne méritent pas de considérations pour certains membres de l'Élite militaire. Il faut cependant noter qu’une politique d’extermination n’a jamais été menée et que dès les années 1830, des voix se font entendre contre cette expédition...

Dès le début de la conquête, la pluralité des opinions s’exprime en métropole, allant d’un extrême à l’autre. Elle s’articule autour de deux axes : le caractère légal -ou pas- de la conquête, et les violences infligées aux populations conquises. Ces opinions s’accordent cependant sur un point : l’absence d’un plan politique accompagnant l’occupation militaire de l’Algérie est un problème. Une partie souhaite appuyer sur le travail déjà effectué par l’armée en colonisant l’espace, apportant avec eux « progrès et éducation aux « indigènes » ». Mais déjà un courant fait front, dès 1832, contre cette occupation. La perception de la violence se confronte aux idées universalistes de la Révolution française : En effet, Gaëtan de la Rochefoucauld parle d’occupation « illégale et despotique » et en 1836, Henri Fonfrède publie un manifeste dans lequel l’idée de colonie est déjà combattue, se réclamant lui-même du mouvement « anticolonialistes », dont font partie les économistes Hippolyte Passy et Xavier de Sade. Ce dernier étant notamment membre de la Société française pour l’abolition de l’esclavage. Ce mouvement sera cependant un échec car la gestion de l’Algérie est finalement prise en charge par l’exécutif qui réglera la question en nommant des gouverneurs généraux favorables à la colonisation.

De 1830 à 1902, les relations franco-algériennes sont caractérisées par cette « violence exacerbée ». Les colonisateurs ont souvent tenté de faire passer la répression des populations dominées comme un acte de police “normal”, contrôlé ou prolongé par la meilleure des justices. En effet, dans cette colonisation, la résistance algérienne subit alors de fortes répressions de l’armée française. Deux types de pertes sont distinguées par les historiens dans les conquêtes, celles de la conquête à proprement parler et celles dues aux conséquences de la domination sur les indigènes. Diverses exactions sont décrites : têtes coupées brandies fièrement en signe de victoire, égorgement d'hommes, poursuites lors des razzias et les enfumages ; l'issue la plus probable est la mort plutôt que la captivité pour les hommes, femmes et enfants pris dans le conflit. Il y a une sorte de massification des tensions au fur et à mesure qu’avance le conflit.

Parmi ces violences il y a plusieurs exemples de répressions. La violence durant cette période est souvent considérée comme une violence sourde, structurelle et codifiée par le droit notamment dans le code de l’indigénat qui, à partir de 1881, donne aux administrateurs de vastes pouvoirs disciplinaires et entérine l’arbitraire.Mais elle retient l’attention surtout comme exemple privilégié de l’état d’exception : le « seuil où violence et droit se rejoignent » a en effet profondément marqué la colonisation de l’Algérie. Dans un même mouvement, en effet, les officiers des bureaux arabes ont mis en place une justice répressive pour punir les atteintes au pouvoir colonial et se sont efforcés de moraliser les pratiques indigènes, en régularisant notamment les juridictions coraniques. La notion de « contrôle social » est utilisée de manière souple par les historiens, il s’agit d’une forme de violence politique. Dans cette perspective, les questions éducatives continuent d’être une source de questionnement et de vifs débats, comme le système de santé et son rôle dans la colonisation, ou les institutions religieuses. En effet, avec le contrôle des lieux de culte, la surveillance des rituels et la création d’un « clergé officiel », la colonisation a profondément transformé l’islam algérien, devenu élément du contrôle de la population et que le mouvement national se réappropriera.

Étant donné la situation d’état qui semble arbitraire, répressif et refait les lois sans prendre la peine de comprendre les populations, certaines violences plus graves vont éclater. D’abord dès le début de la conquête en novembre 1830, avec le massacre de Blida qui dure plus de 6 heures, ce sont des violences politiques et il s'agit d’envoyer un message aux autochtones. Ces violences se rapprochent petit à petit du concept d’extermination.

L’idée de colonie de peuplement s’accompagne d’idées de “dépeuplement” des autochtones.

Pour ce faire, plusieurs techniques sont expérimentées : les razzias par exemple, durant lesquelles on détruit les récoltes pour détruire l’économie rurale et la résistance des populations. Les silos sont vidés, les troupeaux accaparés, les oliviers et arbres fruitiers abattus. Comme autre exemple, on peut parler des enfumades pour intoxiquer les victimes. Enfin, nous pouvons parler des violences psychologiques qui suivent l’idée de l’extermination avec la destruction des structures sociales algériennes comme la tribu. Cette violence psychologique est alimentée par des attaques permanentes envers les autochtones : enlèvements, exécutions sommaires, viols… Qui ont pour but de rendre la population docile. Nous pouvons voir que ces répressions ont un objectif en commun qui est de changer dans ses fondements, la société algérienne au moyen de lois répressives et arbitraires et parfois de violences physiques au cas où les autochtones se révolteraient. A l’époque il n’y a pas de relevés démographiques chiffrés, mais les sources générales montrent qu’il y a eu beaucoup de mosquées (et autres symboles religieux) détruites et notamment selon l’historien Jacques Frémeaux, 400000 morts de la conquête d’Algérie. Tout ça entraîné par des lois et des actions répressives à l’égard du mode de vie autochtone. Le but de ces violences est donc d’entamer la création d’une colonie de peuplement afin d’exploiter tout le territoire Algérien, comme une sorte d’appendice de la Métropole.

La conquête d’Algérie débute en 1830. Charles X (1757-1830) lance un corps d’armée pour prendre la ville d’Alger au sultan ottoman, cette expédition doit permettre de laver l’affront qu’a subi le consul d’Alger Pierre Delval par le Bey d’Alger Hussein. Elle est aussi l’occasion de reprendre le contrôle des comptoirs français au Maghreb et de détruire la marine de course qui favorise la piraterie en Méditerranée et de libérer les chrétiens de l’esclavage et de ne plus payer une taxe au Bey. Les 37 000 hommes débarquent à Sidi Ferruch le 14 juillet 1830 et prennent Alger la même année.  Après elles prennent Oran, Bougie et Bône. Alors que les généraux espéraient une conquête rapide, les chefs de tribus d’Algérie s'unissent autour de la figure de l'émir Abdelkader pour résister à l’envahisseur et le repousser à la mer. De 1831 à 1847, la campagne militaire pour le corps expéditionnaire français continue difficilement la conquête, elle connaît de brillantes victoires comme à la bataille de Larbaâ en 1837 et aussi une défaite traumatisante comme la bataille de la Macta en 1835. L’alliance avec les tribus algériennes ennemis d’Abdelkader et la supériorité technologique de l’armée française permettent de capturer l’émir.

Maintenant penchons-nous sur le pourquoi de l’Algérie ? Quelles sont les raisons de cette colonisation ? quels enjeux politiques ? A la suite de la conquête de 1830, la question revient souvent dans l’environnement politique français.  Il s'agit, dans un premier temps, de savoir si la France devait rester en Algérie, puis de préciser ce qu'il fallait conserver du territoire de la régence ottomane. La taille du territoire algérien alors trois fois supérieur au territoire français, alimente le débat du peuplement mais également des frontières, considérées comme fluctuantes. Les limites à donner à la domination furent elles-mêmes l'enjeu de choix politiques. Sous la direction d’Alexis de Tocqueville (philosophe politique, politiste, précurseur de la sociologie et homme politique français. 1805-1859), le premier projet colonialiste en Algérie fut d’installer nombre d’agriculteurs français, permettant de répondre à la question de l’accroissement du nombre de paysans sur le sol français, avec une diminution de l’espace cultivable dans la métropole. La France, alors en pleine explosion démographique au XIXème siècle ; n’a pas l’Algérie comme première conquête. L’arrivée des Français dans les plaines côtières paludéennes, fut déjà à l’époque source de polémiques, surtout au niveau de l’immigration.

Pour en revenir au sujet, au milieu XIXème siècle, en pleine révolution industrielle, la France de Napoléon III, abandonnant le projet politique du peuplement, en se penchant sur une dimension plus indépendantiste de l’Algérie, le projet s’intitulant « royaume arabe ». Il décida donc de recréer les tribus et leurs rendre leurs terres, afin de créer une alliance en Afrique du Nord. En 1870, après la chute de l’empire en 1870, ces colons, saisis d’enthousiasme pour la République, s'insurgent contre les officiers accusés d’avoir été les inspirateurs du « royaume arabe ». Les représentants des colons, associant leurs revendications à celles concernant les juifs algériens (40000 personnes), réussirent à obtenir que les Européens d’Algérie (245 000 personnes) deviennent citoyens français, surtout pour que leurs intérêts soient gérés par des députés français. On recense alors en Algérie trois départements dépendant du ministère de l’intérieur, sous la direction du gouverneur général. Cette colonisation en 1880, alors encore pauvre de bénéfices économiques, va connaître un développement grâce (ou à cause) à la crise du phylloxéra qui, à partir de 1880, ruina tout le vignoble français. L’insecte alors seulement recensé en Europe, engendra l'exile de bons nombres d’agriculteurs français en Algérie. Le nombre des Français et Européens naturalisés y passe de 412000 en 1882 à 632000 en 1901. La croissance économique et les travaux qu’elle nécessite (travaux du port d’Alger) entraînent une diffusion de la langue française dans la partie de la population indigène qui est employée.

Après la conquête de l’Algérie, l’usage du français est perçu comme la langue de l’envahisseur pour certains algériens et d’autres en profitent pour mieux s’intégrer à la société française, il y a une grande opposition parmi les européens installés en Algérie. Les autochtones d’Algérie sont devenus citoyens français sans avoir le droit de vote. Le refus va arriver avec l’arrivée de Jules Ferry au pouvoir, qui mettra le décret de l’instruction primaire de 1881-1882 dans les départements algériens en 1883 pour éduquer les Arabes. Il y avait une méfiance envers les arabes, une peur qu’ils fassent une intifada version algérienne. (Une intifada est une révolte contre un envahisseur). L’opposition fut tellement grande que ça soit dans les municipalités, dans l’académie d’Alger, il utilisait n’importe quel prétexte pour que ça ne réussisse pas par exemple, le manque de personnels, des moyens financiers faibles, des maires démissionnent pour qu’ils n’aient pas d’écoles pour les autochtones.

L’instruction du français permettait de faire une domination politique, sociale et culturelle et dans un second temps d’offrir une promotion sociale et obtenir quelques droits.  Une peur pour les européens algériens que pour certains que les autochtones algériens diplômés qui réussiront un jour ou l’autre, ils auront le droit de vote et les mêmes droits que les européens en Algérie.

En conclusion, nous avons constaté que les violences en Algérie étaient la conséquence de volontés politiques vagues couplées à un sentiment de supériorité des conquérants au départ, qui se renforcent à mesure que la France se lance dans une politique cohérente de colonisation de l’espace. L’enjeu géostratégique est perçu progressivement et se teinte du sentiment de domination Français à l’égard des Algériens, avec la promulgation de lois favorisant les colons et la langue Française.